Je projette de faire le pèlerinage seul. Se prête-il encore à la contemplation et à la sérénité? Est-il sécuritaire?
Pour profiter pleinement de votre pèlerinage, vous pouvez partir seul. Au fil du chemin, vous rencontrerez d’autres pèlerins, vous vous ferez des amis, mais vous aurez toujours la possibilité de marcher seul quand vous en sentirez le besoin.
Il est possible de faire le chemin dans un esprit de contemplation et de méditation, de silence et de sérénité : admirer simplement le paysage, s’émerveiller devant la nature, trouver plaisir à cheminer, à traverser un petit village, à visiter un vieil édifice ou un monastère du Moyen Âge, à s’arrêter quelques minutes en chemin, en pleine campagne, pour réfléchir.
Le Camino francés est sécuritaire. Peu de situations déplaisantes sont rapportées. La police est très présente, surtout dans la haute saison (de mai à septembre). Mais il ne faut toujours fait preuve d’un minimum de prudence. Marcher sur des sentiers à l’aube dans la noirceur et seul peut s’avérer problématique si vous avez un accident.
Et le soir, au refuge, le partage avec les autres vient compléter cette marche, lui donner son sens. Il y aura certainement, en cours de route, des petites déceptions, des froissements avec d’autres pèlerins. On reste toujours soi-même… Prendre du temps de réflexion chaque soir et chaque jour, s’arrêter à l’occasion pour un office religieux, tout cela favorise un cheminement intérieur créateur. Ces frottements et épreuves nous redonnent « un coeur nouveau ». Partez donc à l’aventure! Il ne faut pas hésiter à cet appel que le Chemin vous réserve.
Est-ce sécuritaire de partir seule pour une femme?
La réponse est oui! En fait, si vous le désirez, vous ne serez rarement ou jamais seule. Chaque jour, vous vous retrouvez avec un groupe de personnes qui feront le même chemin que vous et qui très probablement s’arrêteront chaque soir dans les mêmes refuges que vous. Finalement, vous ferez partie d’une « fratrie » qui sera toujours prête à vous donner un coup de main en cas de besoin. Car il ne faut pas oublier qu’on se fait des amis sur le chemin et qui le restent souvent des années après. Partir seule a aussi ses avantages : on n’est pas obligée de supporter un compagnon ou une compagne qui peut au bout de quelques jours vous sembler lourd. Partir avec quelqu’un implique qu’on connaisse très bien la personne et qu’on s’entende parfaitement avec elle. Sinon, et on le voit très souvent, ça devient très vite l’enfer. Les causes de tension peuvent être nombreuses: l’heure du départ, le rythme de marche, le partage des repas, etc. Partir seule offre une pleine liberté d’action. Vous serez totalement libre de la longueur de vos étapes. En fait, un minimum de prudence s’impose quand on part seule comme dans n’importe où dans le monde. On ne circule pas seule quand il fait nuit et on s’organise pour signaler sa présence même en dehors des sentiers. Et en cas de besoin, il y aura toujours une personne qui, vous voyant arrêtée, vous posera la question de savoir si vous avez besoin de quelque chose. Un des éléments à considérer demeure le choix du chemin : il est certain que certaines voies sont plus fréquentées que d’autres. À vous de prendre en compte cette donnée avant de prendre votre décision! Les membres de l’association sauront vous conseiller.
Pourquoi les gens font-ils ce pèlerinage?
Les motifs sont multiples : recherche de soi et intériorisation, désir de ressourcement, besoin de changement, pause dans sa vie, démarche religieuse ou culturelle, goût de l’aventure, exploit sportif. Toutes les raisons sont bonnes! Il y a autant de pèlerins que de raison de marcher!
Le Chemin de Compostelle donne l’occasion d’avoir du temps à soi et de revoir ses priorités dans la vie. Il nous sort d’un contexte de vie mené au rythme d’une société de consommation. Sans télévision ni publicité, on dialogue avec la nature, les grands espaces… avec de nouveaux amis si on le désire. C’est ce qui est le plus précieux sur le Chemin.
Combien de temps faut-il pour faire le pèlerinage de Saint-Jean-Pied-de-Port à Compostelle? Et pour se préparer?
On doit compter 5-6 semaines pour marcher les 780 km du Camino francés, selon son rythme de marche. Et si on veut voir l’Atlantique et se rendre au cap Finisterre, là où le soleil se couche, il faut ajouter 90 km. Pour les pèlerins ordinaires, mieux vaut marcher modérément et faire des étapes raisonnables de 20 à 25 km par jour. Certains se contentent de 15! Il n’est pas recommander de se donner des objectifs de parcourir un certain nombre de kilomètre par jour. Mieux vaut écouter son corps et s’arrêter quand on juge qu’on est fatigué. Cela évite les blessures.
Allez-y donc à votre rythme et, surtout, n’essayez pas de brûler les étapes en voulant arriver le plus tôt possible à destination. Il ne s’agit pas ici d’un marathon. Ceux qui sont pressés ont ensuite des regrets d’avoir manqué tel point d’intérêt ou telle rencontre. Dans une petite église à Triacastela, il est écrit : « Le pèlerinage n’est pas une course de vitesse. »
Pour votre préparation, essayez de marcher plusieurs jours consécutifs par terrains accidentés, parfois à la pluie battante, avec votre sac à dos rempli. Cela permet de vérifier son équipement. Vous sentirez vous-même quand vous serez prêt à partir…
Même si les montagnes sont merveilleuses par beau temps, partir de Saint-Jean-Pied-de-Port pour Roncevaux (25 km) oblige à traverser les Pyrénées souvent sous la pluie ou le brouillard. Il peut y avoir de la neige jusqu’en mai! C’est d’ailleurs l’étape la plus difficile et c’est risqué de commencer ainsi… Mieux vaut faire d’abord une étape ou deux en Pays basque pour se mettre en forme et surmonter le décalage horaire, en commençant par exemple à Orthez où le TGV peut vous déposer. On peut aussi aller dormir aux gîtes de Hunto ou d’Orisson, à 5 et 8 km après Saint-Jean-Pied-de-Port, pour raccourcir la traversée du lendemain vers Roncevaux.
Une connaissance de l’espagnol ou de l’anglais, sans être obligatoire, est un atout pour mieux échanger avec les autres pèlerins. Pour vous mettre dans l’ambiance, consultez la rubrique Activités/Conférences
Trouve-t-on facilement refuges et hébergement?
Les refuges des municipalités ou associations demandent rarement plus de 8 euros (c’est-à-dire 10-12 $) pour ceux qui sont détenteur d’une credencial . Il y en a pour tous les goûts. Leur capacité varie de quelques personnes à plus de 100. En approchant de Santiago, en raison de l’affluence, les refuges accueillent beaucoup de pèlerins surtout en juin, juillet et août. Ils offrent parfois une cuisine pour préparer les repas. Sinon, apportez gamelles et ustensiles ou allez manger dans un restaurant. En Espagne, vous trouverez souvent un » Menu del peregrino » à environ12 €. Vous pouvez aussi choisir gîte, auberge, maison de ferme, pension ou hôtel, où les prix varient selon les services offerts. Il y en a pour tous les goûts et tous les budgets.
Quel devrait être le poids de mon sac à dos? Est-il nécessaire d’apporter un sac de couchage et un matelas de sol? Et les souliers?
Essayez de réduire votre sac à dos à 6-7 kg. Il faut compter en plus le poids de l’eau et de la nourriture.
Pour le coucher en France, un drap cousu sur trois côtés (de préférence en « polar ») suffit en été, car les gîtes du Chemin du Puy offrent la literie. Mais si vous voulez marcher en totale autonomie, apportez un sac de couchage. léger.
En Espagne, la plupart des refuges sont assez bien équipés. C’est surtout tôt en avril et en octobre que vous devez apporter un sac de couchage plus chaud, car les nuits sont alors plus froides.
Apportez de bons souliers de marche que vous aurez déjà utilisés avant le départ. Si toutefois vous avez certaines faiblesses au niveau des chevilles, la bottine demeure un excellent choix. Portez une ou deux paires de bas (qui respirent), et aérez vos pieds régulièrement. Le mieux est toujours de bien essayer son équipement avant le départ. Cela évite bien des désagréments.
Quelles sont les meilleures périodes pour marcher?
Tout dépend des chemins. Certains chemins sont trop chaud en plein été. D’autres sont trop froid l’hiver et affiche un manque de service durant la basse saison. Par exemple, il faut se rappeler que les plateaux d’Aubrac, les Pyrénées et le Cebreiro sont souvent couverts de neige en avril, et que la Galice est à l’automne victime de pluies abondantes. Prenez les conseils de pèlerins d’expérience lors des rencontres. Les journées de préparation pratique sont des occasions particulièrement intéressantes pour prendre de l’information.
Quelles sont les préoccupations quotidiennes d’un pèlerin?
Vous penserez tout d’abord à votre condition physique (pieds, genoux, dos, épaules). Puis vous examinerez quotidiennement votre tracé. Ensuite vous verrez à votre alimentation (quoi manger?) et au refuge de la prochaine étape (où dormir?). Vous reviendrez aux préoccupations de base de la vie. Manger, boire , dormir et maintenir la forme deviennent les préoccupations essentielles du pèlerin!
Y a-t-il beaucoup de cyclistes sur le Chemin de Compostelle?
De plus en plus de cyclistes (25%) s’aventurent sur le chemin, quoique certaines parties du trajet ne soient pas accessibles aux vélos. Ils accompagnent souvent les pèlerins, puisque l’Espagne et le Conseil de l’Europe ont refait et amélioré le chemin de Compostelle, souvent en gravier tapé, peu ombragé, parfois le long d’une grande route, donc bruyant… À cause de ce gravier, des ascensions, des roches, du danger des grandes routes, des pneus solides et larges sont conseillés. Pour le pèlerin à pied, le vélo n’est pas un problème.
Mais il y a souvent des routes alternatives pour le marcheur solitaire, méditatif, assoiffé de silence et de grands espaces…
Qu’en est-il de l’argent et des guichets automatiques?
Ces derniers sont faciles à trouver. Il y en a partout ou presque. C’est pourquoi il est conseillé de transporter peu d’argent à la fois, en cas de perte ou vol. Les cartes Desjardins et Visa sont d’ailleurs acceptées dans tous les guichets automatiques européens.
En France, vous devez prévoir au moins 35 € (env. 50 $) par jour à cause des gîtes privés, et en Espagne 20 € (env. 30 $) par jour car les refuges y sont subventionnés, mais on ne peut pas les réserver d’avance!
Ce pèlerinage est-il d’abord religieux?
Bien que la cathédrale de Santiago soit catholique, des membres de toutes les religions marchent sur ce chemin. Il n’y a aucun rituel obligatoire. Chacun est libre de ses croyances et de son emploi du temps.
Historiquement, à partir du VIIIe siècle, une bonne partie de l’Espagne était sous domination musulmane. C’est pourquoi Rome a tellement encouragé les pèlerins étrangers à se rendre là-bas, en vue de reprendre ces territoires. On appelle cette période la « Reconquista » (reconquête de l’Espagne), qui s’est terminée en 1492.
Le retour est-il facile ou difficile?
N’oubliez pas que les pèlerins du Moyen Âge devaient revenir à pied! Aujourd’hui, il est facile de trouver avion, train ou bus. Et, si vous devez interrompre votre trajet, des transports publics sont toujours accessibles dans la majorité des villes et villages traversés.
Pour ce qui est de votre corps, habitué quotidiennement à une marche importante, il sera peut-être déçu de retomber dans la routine d’avant le départ. Et après un tel voyage, il est plus que probable que votre santé sera améliorée…
Quant à votre esprit, il vagabondera encore quelque temps dans les souvenirs de cette belle parenthèse de vie. Certains ont de la difficulté à reprendre la vie quotidienne, car ils voudraient tellement partager leur expérience avec leur entourage! Pour éviter cet isolement, allez à la rencontre d’autres pèlerins, en participant par exemple à des rencontres organisées chaque automne dans votre région.